Les
fleurs en celluloïd sont vraies à condition
qu'on ne cherche pas à les faire passer pour de l'écaille.
Francis Picabia
La rumeur
est une valeur à la hausse actuellement. Dans les médias
en particulier: on se sert par exemple d'une «écriture
rumorale» [2] dans la titraille,
comme «moyen d'accroche, même si le contenu de (l')article
de presse lui «tord ensuite le cou"» [3],
voire comme tête de rubrique (par exemple, dans le Belgian
Business Week). Un article sur quarante emploierait du reste le
mot "rumeur" dans son contenu, dans les quotidiens généralistes
(2,5% des articles [4]).
Or il
y a, dans la conception que l'on se fait du phénomène
de la rumeur, un je ne sais quoi d'archaïque: le mode de diffusion
de la rumeur rappelle trop une Gemeinschaft [5] honnie et refoulée dans les sociétés
autoproclamées "de l'information" ou de la communication (tautologie!
diraient certains [6]). Le bouche à
oreille, voyons, ce n'est pas convenable, à l'époque du
satellite et des ordinateurs! Pourtant, les canaux informels sont constamment
sollicités par la circulation des informations: 49 % des
Américains apprirent la nouvelle de l'assassinat de Kennedy par
la voie du bouche à oreille [7]...
Le phénomène
de rumeur est cependant distinct de celui de diffusion informelle des
informations. Nous essaierons ici, en particulier, de cerner les trois
aspects qui lient la rumeur dans son rapport au temps: sa prétention
à l'actualité, son surgissement éphémère
et cyclique à la fois, et en fin son mode d'apparition dont nous
faisons l'hypothèse qu'il est plus conjoncturel que prévu.
Rapide historique de la recherche
Le sens
du mot "rumeur" est plus récent qu'on ne le pense: il date approximativement
de la dernière guerre mondiale, façonné des chercheurs
américains au service de l'Armée, à l'écoute
de son moral [8] et des propagandes ennemies. Indicateur fragile mais
frappant de l'intérêt pour les rumeurs, un indicateur bibliométrique
(cf. graphique A) montre que les premiers articles datent du
début du siècle [9], mais que l'effort continu de recherche sur cet objet
ne naît qu'au milieu du siècle [10]
et enfle de manière exponentielle jusqu'à nous [11],[12].
Graphique
A
Courbe bibliométrique de la rumeur

Nombre
d'articles publiés sur la rumeur, par décade. Base
n=220, bibliographie en langues française et anglaise établie
dans FROISSART, Pascal (en cours). La rumeur, un genre communicationnel
à définir (titre provisoire)
|
Sa présence
dans le langage ne date pourtant pas cette époque [13].
Expression empruntée au latin rumor, on en trouve les
premières traces dans un édit de 1274 du Parlement de
Paris où elle désigne tout autre chose: le "haro" que
tout citoyen est obligé au nom de la loi de pousser s'il assiste
à un crime, de manière à attirer l'attention de
la maréchaussée! Son sens a ensuite lentement évolué
au cours des siècles. Au XVIIe siècle, elle
représente un bruit social incohérent, un chaos sonore
porteur d'une signification diffuse. Au XVIIIe, elle désigne
le bruit émanant d'une lutte ou d'une sédition, moins
chaotique mais pas encore organisé, avant de se transformer le
siècle suivant en l'expression de la dénonciation publique
ou de la surprise devant un événement imprévu.
À la fin du XIXe siècle seulement apparaît
la différenciation des locuteurs; perdus dans une masse, dans
le corps d'une foule anonyme, ceux-ci sont bientôt les acteurs
de la rumeur. Naît alors l'idée de bouche à oreille
et de bruit qui court: de ce fait la rumeur peut être injurieuse
ou infamante, ce qu'elle ne pouvait signifier auparavant. Enfin, la
rumeur du XXe siècle est le résultat d'une
nouvelle évolution du concept, dans lequel on trouve un élément
étrange mais significatif: la rumeur devient information, en
plus de toutes ses caractéristiques antérieures.
Au début
de son "existence", la rumeur est largement étudiée sous
l'angle de la psychologie sociale et de l'adéquation entre le
percept et le réel. Les études sur le témoignage
de Binet et Claparède font tant école que la rumeur n'échappe
à une conceptualisation en relation avec le témoignage:
on établit alors une procédure dite «standard»
[14], tirée de la psychologie behaviorale [15]
et qui, même rebaptisée MRS [16], n'est que la version plus ou moins scientifique
du "téléphone arabe". Naturellement -- mais c'était
contenu dans l'énoncé du problème --, on constate
l'absence totale de fidélité du témoignage tout
au long d'une chaîne de sujets... Cette conception rumeur via
information reste largement dominante dans les études récentes,
qui résument parfois abruptement la rumeur à toute
«information non vérifiée» [17]. Seules quelques brèches ont été
faites par des études parcourues par des intérêts
socio-psychanalytique [18] ou ethnologique
[19].
Que
trouver à redire à cette conception dominante? Elle décrit
bien une certaine réalité, le fait en particulier que
certains récits informels circulant dans le corps social évoluent
non seulement en énonciation mais aussi en signification -- mais
cela ne fait certes pas de la rumeur un objet autonome des sciences
sociales. Tout au plus la face cachée de l'information journalistique.
Or nous
prétendons nous saisir du concept de "rumeur dans le temps" pour
tenter d'autonomiser le concept, contournant ainsi l'obstacle épistémologique
[20] que représente le sens
commun, c'est-à-dire ici l'adéquation à la réalité.
Situer la rumeur dans le temps, c'est lui donner la chance de fonder
une «unité de la représentation» [21].
Continuer à la considérer comme une variable dépendante
de l'information, c'est la condamner à «n'être
jamais autre chose qu'unité absolue».
Toute
intuition contient en soi un divers, qui ne serait pas cependant représenté
comme tel si l'esprit ne distinguait pas le temps dans la série
des impressions successives, car en tant que contenue dans un moment
toute représentation ne peut être jamais autre chose
qu'unité absolue. Or, pour que de ce divers puisse sortir l'unité
de la représentation, deux choses sont requises: le déroulement
successif de la diversité, et le compréhension de ce
déroulement, acte que je nomme la synthèse de l'appréhension.
[22]
Donnons
un exemple de notre démarche. Une rumeur très répandue
en Amérique du Nord, répertoriée dans des livres
à grande diffusion de type Vraies ou fausses? Les rumeurs
[23], raconte que des morceaux
de souris décomposés (ou autres objets peu ragoûtants,
préservatifs, aiguilles, etc.) ont été parfois
retrouvés dans des canettes de Coca-Cola ou de boisson gazeuse.
Eh bien, c'est véridique, c'est authentique (malheureusement...):
402 jugements de tribunal en font foi [24]!
Que diraient ceux qui croient au schéma classique, où
seule est valorisée l'adéquation de la représentation
au réel? Ils affirmeraient: c'est arrivé une fois (au
moins), c'est vérifié, c'est officiel; ils concluraient,
et le sens commun avec eux, que le témoignage rapporté,
c'est-à-dire la représentation, est adéquate. La
rumeur serait aussitôt "élucidée" et transmuée
aussitôt en information "vraie".
Pourtant,
la réalité est plus complexe et demande à ce qu'on
"plonge" le phénomène linguistique dans l'espace temporel
et social: le fait que le contenu de cette rumeur soit vérifié
n'explique en rien pourquoi celle-ci circule de manière endémique
depuis plus d'un demi siècle. Ni qu'elle circule au présent,
pour décrire une réalité actuelle,
un acte ponctuel, alors que les faits rapportés remontent
parfois jusqu'en 1914 (date du premier procès [25])! Tous les locuteurs de la rumeur la résument
dans une phrase du genre "J'ai un ADUA[26]qui
a un jour trouvé un morceau de verre dans
son Fanta". Il n'y est question que d'une performance individuelle,
performé par une personne seule, à l'aide d'un performatif
topique. Mais non d'une réalité sociale, partagée
par plusieurs centaines d'Américains... Le texte de la rumeur
fait donc abstraction de la temporalité du phénomène,
que notre propos voudrait cependant rétablir. Remettre un phénomène
intemporel dans sa réalité temporelle est notre propos.
Machine à transformer le passé en présent atemporel:
la prétention à l'actualité de la rumeur
Plaidoyer
pour la prise en compte du phénomène social en parallèle
à l'étude du texte, cette position théorique ne
peut pas faire abstraction des phénomènes sémantiques
à l'oeuvre dans le message, sitôt qu'on l'éloigne
de son rapport pur à la véracité. Ainsi que pour
les matériaux folklorique [27], des processus d'actualisation sont à l'oeuvre
«l'actualité échappant à la discontinuité
de l'éphémère parce qu'articulée sur (...)
les archétypes et la mémoire collective» [28], ramenant toujours la rumeur à un
présent atemporel, car hors du temps, dans un temps irréel
parce que toujours présent.
«La
rumeur est hors-temps. La rumeur prend la forme et la couleur de notre
temps mais elle parle d'un autre temps. Celui que l'on peut qualifier
de mythique parce qu'il est "trans-historique" [29].
La rumeur,
dans son "combat" contre le temps humain, n'hésite même
plus à proposer des récits anciens sous le jour d'une
histoire moderne. Dans un cas même, on a pu retrouver un conte
traditionnel passé dans l'univers rumoral: l'histoire de ce fils
prodigue qui est revenu anonymement chez lui, après une longue
absence; eh bien, il s'est fait dévaliser et assassiner par ses
parents aubergistes en mal d'argent [30].
L'actualité
de la rumeur est feinte par l'actualisation; ou plutôt, l'actualité
est un construit élaboré au cours de la transmission orale:
C'est
la rumeur elle-même qui crée l'actualité: ce qui
n'existe pas dans le discours du groupe n'existe pas en effet pour
le groupe et l'actualité se définit comme ce qui est
"actualisé" par la parole sociale. [31]
En définitive,
l'actualité est la forme rituelle d'énonciation de la
rumeur, texte parmi d'autres de littérature orale. C'est pourquoi
même les rumeurs de prédictions sont racontées au
présent...
Une
amie d'un de mes amis, qui est lui-même un réfugié
de l'Irak, était dans le tramway et quand le conducteur se
présenta pour recueillir le prix des billets, la dame en face
d'elle dit: Je vais payer pour vous car vous n'avez pas d'argent dans
votre porte-monnaie. -- Mais j'en ai, répliqua-t-elle.
Cependant en ouvrant son porte-monnaie, elle découvrit que
c'était vrai. -- Mais pouvez-vous aussi lire dans l'avenir,
ajouta-t-elle, quand la guerre sera finie? -- Je suis une voyante,
dit la femme, la guerre sera terminée le 15 mars.
Cet
exemple, reprenant la fameuse «rumeur de prédiction»
qui fit le tour de l'Europe lors de la Seconde guerre mondiale [32], montre comment la rumeur met en avant, au passé,
une actualité brûlante: le temps du méta-récit
("une amie était ") donne à la prédiction
l'enveloppe narrative de l'événement, et lui confère
cet étrange aspect atemporel en mélangeant allègrement
futur, passé et présent... La rumeur, dans ce maelström
temporel, semble
se
diffracte(r) en plusieurs degrés et niveaux de sens":
le temps du récit proprement dit, qui est le temps de la
fiction, un temps intérieur puisant dans la mémoire
et l'imaginaire social les dits dont elle est faite, le temps propre
de la transmission qui renvoie à la réalité immédiate
du temps structurel et conjoncturel.
Ces
trois temps diffractés, pour reprendre l'image reumaldienne,
font d'elle un labyrinthe dans lequel les journalistes, et autres passionnés
de l'information, se perdent à l'envi... avant de s'en apercevoir
(parfois!) après coup. «Il s'est fait avoir!», s'exclamait
ainsi un chroniqueur montréalais [33]
en guise d' erratum, en parlant de lui-même, trois jours
après avoir publié sans le savoir le récit de l'
Elevator Incident:
L'histoire
raconte qu'un homme de peau noire se trouve dans un ascenseur avec
son chien, en compagnie de trois femmes de peau blanche. L'homme intime
un ordre au chien -- "Assis!"--, mal interprété par
les jeunes femmes, qui s'assoient par terre. [34]
Le journaliste
avait relaté l'histoire après que sa "source" la lui a
racontée comme entièrement originale. Il n'y avait pas
vu malice, sa source non plus... et tout le monde avait été
attrapé par l'atemporalité de cette histoire racontée
de manière répétée et quasi similaire aux
États-unis depuis les années Soixante! Machine à
transformer le passé en présent atemporel, la rumeur se
mue et transmue en un événement sans date, perpétuellement
répété dans la pensée sociale, mâché
et remâché comme un grand «chewing-gum intellectuel»
[35].
Cependant,
l'actualité perpétuelle de la rumeur, analysée
per se, ne saurait faire oublier la temporalité pragmatique
de la rumeur étudiée en situation. Ainsi peut-on saisir
le phénomène social dans une globalité sociale,
qui permet de «relativiser le concept d'actualité et
son corrélatif, l'immédiateté, volontiers reconnu
à toute rumeur, l'immédiateté ne caractérisant
que le stade d'éclosion.» [36]
L'apparition éphémère et cyclique du message à
prétention d'actualité
La rumeur,
certes, crée sa propre actualité, grâce à
un processus d'actualisation similaire à celui à l'oeuvre
dans les récits traditionnels. Mais elle n'apparaît pas
au hasard du temps: de longtemps, les "rumorophiles" ont constaté
que ces récits à prétention d'actualité
reviennent, naissent et meurent, et puis renaissent... Incompatibilité?
non, élément constitutif du phénomène: la
rumeur est précisément caractérisée par
cet aspect apparemment contradictoire, l'énonciation répétée
d'un message prétendant à l'actualité. C'est un
des «traits invariants de la rumeur», bien que le mode d'apparition
de la rumeur soit loin d'être élucidé. Est-ce un
phénomène cyclique, ou simplement la renaissance aléatoire
d'une légende moderne [37]?
Les réponses diffèrent, selon la conception personnelle
que les chercheurs ont de l'origine de la rumeur (ou du cycle): ceux
qui voient dans la rumeur un récit similaire aux légendes
lui donne volontiers une personnalité cyclique, tandis que les
autres la classent parmi les symptômes sociaux de crise et de
tensions.
En tout
état de cause, la rumeur est le lieu d'une succession de modèles
d'apparition dans le temps: une succession de silences et d'explosion.
Les poètes le chantaient déjà pour la renommée,
«aux pieds rapides, aux ailes promptes, monstre horrible, énorme,
qui a autant d'yeux perçants que de plumes, ô prodige,
autant de langues et de bouches sonores et d'oreilles dressées»
[38] ou pour la calomnie:
D'abord
un bruit léger, rasant le sol comme hirondelle avant l'orage,
pianissimo murmure et file, et sème en courant le trait
empoisonné. Telle bouche le recueille, et piano, piano,
vous le glisse en l'oreille adroitement. Le mal est fait; il germe,
il rampe, il chemine, et rinforzando de bouche en bouche il
va le diable; puis tout à coup, ne sais comment, vous voyez
calomnie se dresser, siffler, s'enfler, grandir à vue d'oeil.
Elle s'élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe,
arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient, grâce
au ciel, un cri général, un crescendo public,
un chorus universel de haine et de proscription. Qui diable y résisterait?
[39]
Le mode
d'apparition est l'une des caractéristiques de la rumeur la plus
partagée par les chercheurs en sciences sociales -- à
part la distinction subtilement amenée des signes externes de
la circulation d'une rumeur. Le problème, même s'il ne
pose pas réellement problème, mérite qu'on s'y
arrête: comment juger de la diffusion d'une rumeur. Certains proposent
qu'on ne retienne que
la
partie manifeste, audible, de la rumeur, celle où, parvenue
à mobiliser les attentions autour de ses dires, elle recentre
un groupe ou une communauté autour d'un nouvel objet. [40]
D'autres
incluent dans le phénomène de rumeur des phases supputées
de latence, après lesquelles la rumeur "s'exprime", comme le
ferait un gène récessif... Morin et al. décrivent
le «cycle complet à Orléans» de la rumeur.
Proliférant
sur un germe dont on peut déterminer la double origine mythologique
et la même source fantasmatique, elle incube (10-20 mai), entre
en virulence et en extension rapide (20-27 mai), se déchaîne
en une prodigieuse métastase (29-31 mai), se disloque sous
la contre-attaque (2-10 juin), régresse dans le fantasme et
les mini-rumeurs, s'enfonce dans l'amnésie, laisse des résidus
et des germes. [41]
Cycle
de vie que Reumaux reprend à sa façon, en utilisant la
métaphore du papillon (certes plus poétique que les cancers...)
et en décomposant en trois «stade socio-temporels»
[42]: de larve à imago, en passant par l'étape
de nymphe, la rumeur est prête à prendre son envol.
D'autres
enfin distinguent plusieurs types de rumeurs en fonction précisément
des modes d'apparition de la rumeur: ainsi Bysov [43]
proposait-il de classer les rumeurs suivant leurs manifestations visibles.
Il distinguait trois types de rumeur, celle qui rampe (jusqu'à
ce que tout le monde la connaisse), celle qui fait feu de paille (et
qui a généralement un sujet touchant à un péril
immédiat), et enfin la rumeur "sous-marine" (de nature essentiellement
cyclique).
La phase
de résurgence de la rumeur est naturellement la plus documentée:
pour des raisons matérielles (il est plus aisé de garder
trace de manifestations publiques, de plaintes policières, ou
de tracts, que de mots vites envolés, fussent-ils "à la
base" des premiers...) qu'émotives (la puissance des mots, la
folie du socius en crise, tout cela fascine... et les artistes ne sont
pas en reste à décrire une réalité sociale
qui parfois s'échappe à elle-même). On répertorie
donc sans problème les résurgences de la rumeur dite "d'Orléans":
en 1966 à Dinan, Laval, et Rouen; en 1968 au Mans; en 1969 à
Orléans, Poitiers, et Châtellerault; en 1970 à Amiens;
en 1974 à Châlon-sur-Saone; et même en 1985 à
Dijon et La Roche-sur-Yon [44], [45]. De la même manière, on repère
aisément, dans les journaux en particulier, les manifestations
de la rumeur dite «des auto-stoppeurs fantômes": du XVII
e siècle [46] jusqu'en
septembre 1992 (au moins) où une femme en chandail rayé
a défrayé la chronique des journaux de la ville québécoise
de Chicoutimi (photos de la rédaction à l'appui) [47],
de la Wallonie à l'Ohio [48]...
Elle surgit en tous temps, en tous lieux... sans prévenir, et
apparemment sans motif. On peut essayer d'établir des liens entre
les dates et d'en déduire des cycles, mais on se heurte toujours
au même problème d'appréhension du phénomène:
avec de tels outils, on en tirerait tout au plus le cycle des manifestations
de la rumeur (émeutes, publications, etc.) mais non la diffusion
de la rumeur elle-même. On risquerait d'être plus positiviste
que le Comte lui-même, et de vouloir enfermer à l'aide
d'une seule variable dérivée l'ensemble du phénomène.
Pour
conclure partiellement sur la discontinuité du phénomène,
ce caractère éphémère et récurrent
influence évidemment la créance des auditeurs [49],
mais de trois manières différentes: elle peut lui faire
l'effet de renforcement (je le crois car je l'ai déjà
entendu; je le crois car tout le monde le croit); ou au contraire un
effet de défiance (je le crois car je l'ai déjà
entendu); enfin, comme nous en ce moment, un intérêt nosologique
par la mise en évidence d'un thème, d'une rhétorique,
ou d'un mode de narration déjà rencontré dans l'un
de ces nombreux recueils de rumeurs ou de légendes contemporaines
[50]...
L'apparition conjoncturelle de la rumeur: le tremplin de la crise
Vue
seulement comme un phénomène éphémère
et cyclique, la rumeur ne se distingue pas réellement des autres
phénomènes qui l'accompagnent sur la voie de l'oralité
et de la narration rituelle (ainsi les contes aussi sont éphémères
et cycliques, bien que rarement des rumeurs). Nous proposons d'invoquer
une hypothèse sociologique pour faire de la rumeur un fait social
en lui-même -- et non seulement un donné linguistique:
la rumeur reste latente tant que des faits sociologiques ne viennent
la déloger de son calme sous-jacent. Par le court exposé
d'une rumeur que nous avons étudié par chance [51] in situ, nous voudrions montrer que la
rumeur est volontiers conjoncturelle.
En avril
1992, une rumeur [52] secoua la capitale de la Guinée et devint
le centre de toutes les conversations. Son contenu était pourtant,
comme toujours, anecdotique -- bien qu'extrêmement impliquant
et "actuel": «Un ressortissant espagnol aurait livré
sa compagne, ou ses compagnes guinéennes, à... son chien»,
résumait la presse indépendante [53],
omettant, en les sous-entendant, de nombreux détails: «Le
Blanc était là, au moment de... entre la fille et le chien.
Et il prenait des photos» [54];
«Le Blanc disposait de caméra cachée dans la chambre.
Il filmait la scène...». Il en organisait aussi le trafic:
«Il prenait des photos qu'il revendait ensuite chez eux.».
Le gardien du riche expatrié va raconter dans le quartier ce
qui se passe chez le Blanc; il va briser le secret d'alcôve: «Il
filmait la scène et il a été surpris par son gardien.
Celui-ci s'est rendu chez les vieux du quartier pour se plaindre de
l'attitude de la fille.»; «C'est le gardien qui révèle
tout. Il est allé à la mosquée. Après la
prière, il s'est adressé à quelques sages, des
vieux, et leur a tout révélé "en tant que bon musulman":
un Blanc, des filles, etc.».
Cette
rumeur aurait pu paraître anodine pour un observateur étranger
-- sordide, tout au plus. Pour la population de Conakry, ce fut un bouleversement.
On apprit bientôt que la villa du ressortissant espagnol avait
été rasée par une population en furie [55];
des tracts pornographiques se mirent à circuler de main en main
[56]; des explosions émeutières
secouèrent la ville. Les médias d'État s'en saisirent,
citant noms des protagonistes et lieux, les téléscripteurs
de l' AFP se mirent à crépiter...
Des
Guinéens ont manifesté le 20 avril dans le quartier
de Madina, le plus peuplé de Conakry, brutalisant les jeunes
femmes portant un pantalon ou une minijupe. À l'origine de
ces violences, l'arrestation, la veille, d'un ressortissant espagnol
qui aurait tourné secrètement des films pornographiques
à son domicile. Les habitants du quartier ont failli le lyncher
et s'en sont pris ensuite aux automobilistes européens de passage
dans le quartier, qu'ils ont molestés. Le ministre de l'Intérieur
a présenté ses excuses aux Européens victimes,
ou menacés. L'enquête de police aurait révélé
que l'affaire n'était en réalité qu'une «pure
machination dénuée de tout fondement". [57]
Il fallut
que le Ministre de l'intérieur puis le Chef de l'État
lui-même vinssent à la télévision lancer
des appels au calme pour qu'enfin l'agitation cessât (on releva
au moins un mort [58], des dizaines
de blessés, et il y eut 45 arrestations [59]). Mais les langues continuèrent de fredonner
le refrain de la rumeur...
Les
explications de sens commun ne se suffisent pas à elle-même.
Penserait-on que la bestialité soit taboue? Certes mais des légendes
guinéennes la mettent en scène sans causer d'autres dommages
qu'éclats de rire et explosion d'hilarité [60]. De plus les pratiques zoophiliques sont universelles,
tout autant que les interdits traditionnels et légaux qui les
régissent [61]. Enfin, il existe
une bestialité rituelle dans de nombreuses régions d'Afrique,
en particulier dans le Golfe de Guinée où les Ijaw du
Nigeria pratiquent «un coït rituel avec les antilopes et les
brebis, soit pour préparer le succès de la chasse, soit
au cours des cérémonies d'initiation des garçons"
[62].
L'écart
à la moralité est-il un fait suffisant à mobiliser
tous les Guinéens? Certains l'ont affirmé («Cela
blessait la dignité des Guinéens», confiait
un journaliste) mais une rumeur ne peut se diffuser que si elle arrive
à impliquer tous les auditeurs qu'elle touche; or il n'existe
pas d'indice pour penser, sauf peut-être dans un rêve intégriste,
qu'une population entière soit mobilisée par le
même motif moral.
Le soudain
embrasement de la cité [63] est d'autant moins compréhensible que la
rumeur avait déjà circulé, ainsi que le veut la
loi de récurrence que nous avons précédemment exposée,
quelques années auparavant, dans une région voisine de
la capitale. Un tiers des auditeurs interrogés l'avaient déjà
entendu en 1977 ou 1979 en Moyenne Guinée. Mieux que cela, un
haut fonctionnaire français en poste à Yaoundé
(Cameroun) nous a certifié qu'elle y avait eu cours en 1982 à
quelque 2 800 km de là! Comment se fait-il que, cette fois-ci,
non seulement elle ait été crue par tous, mais en plus
elle ait causé tant de dégâts?
Nous
voudrions lier cette soudaine déflagration sociale avec les tensions
qui étaient alors présente en Guinée. Car, sans
toutefois proposer la vision déterministe d'une rumeur engendrée
par la crise [64], nous voudrions y voir un lien de concomitance.
Or ce lien entre le surgissement des signes manifestes de la rumeur
avec la "situation de crise" avait été vu par Morin et
al. à l'orée de la rumeur d'Orléans, apparue
en pleine campagne électorale. Ainsi rapportent-ils que l'un
des commerçants visés par la rumeur vint au commissariat
pour porter plainte et que le commissaire le conseilla en ces termes:
«Attendez quarante-huit heures, et après allez-y.»
Il s'agissait «de ne pas perturber les deux ultimes journées
pré-électorales." [65]
Ici,
il convient de se demander s'il y a eu quelque relation entre la rumeur
et la crise présidentielle de mai 1969. (...) Celle-ci a correspondu
à un phase d'incertitude, d'inquiétude qui, puissamment
refoulée hors de la conscience politique, aurait dérivé
vers les bas niveaux inconscients. (...) Il n'est pas exclu que ce
fut l'appoint décisif pour le déclenchement de la métastase.
[66]
Dans
une étude similaire (une rumeur de sorcellerie au Togo), Rivière
[67] avait noté également la corrélation
entre le surgissement de la rumeur et des facteurs externes comme le
prix des céréales (le prix du maïs, aliment de base
au Togo, avait connu de grosses variations dans les mois qui avaient
précédé le surgissement de la rumeur).
La rumeur
du chien n'échappait pas à la règle: au même
moment où surgissait la crise rumorale, de très nombreux
facteurs de tension sociale étaient en place. La vie politique
était en effet bouillonnante. Le pays venait de se doter de lois
organiques [68] qui autorisaient le multipartisme (le bipartisme
avait été légalisé l'année précédente
seulement). Du coup, il ne se passait plus un mois depuis le début
de l'année sans que se créât un nouveau parti. Dans
la seule semaine du 16 mars (soit trois semaines avant le déclenchement
de la rumeur), ce sont 6 nouveaux partis qui ont déposé
leurs statuts au Ministère de l'intérieur [69]! Les réunions politiques se succédaient
les unes aux autres, la ville bruissait de discussions politiques et
de meetings. Enfin, le gouvernement avait subi un septième remaniement
au mois de février. Dans un pays habitué au silence des
milices jusqu'en 1984 (année de la mort de Sékou Touré
et du début de l'ouverture du pays vers l'extérieur),
on imagine la répercussion phénoménale de ces événements.
De plus, la Guinée sortait de la période du Ramadan (du
5 mars au 4 avril), dont le jeûne forcé durant les heures
du jour a de quoi exacerber les tensions les plus bénignes. Influente
aussi était la hausse des prix que la capitale connaît
quasi systématiquement à cette époque.
Le
Ramadan saint est, en Guinée, un mois où les spéculateurs
font la loi sur les marchés. Profitant de la forte demande
en produits de première nécessité, les marchands
multiplient les prix à qui mieux mieux. [70]
Les
augmentations étaient substantielles [71]
(25% sur la plupart des produits: oignons, gombo, huile d'arachide...)
mais quelquefois aussi gigantesques (200% sur la salade). Le riz même,
aliment central de l'alimentation ouest-africaine, subit des variations
à la hausse (le sac de 50 kg passe facilement de 15 000
à 17 000 FG, soit 12%); l'augmentation semble certes minime
sur le plan financier mais est un véritable déclencheur
sur le plan symbolique. À cette période de l'année,
les sommes se négocient plus âprement dans les marchés,
le ton monte très vite, et il n'est pas rare de voir marchands
et clients en venir aux mains. D'ailleurs, cette année-là,
alors que l'on était en plein mois saint, la ville avait été
secouée par une histoire sordide où un chauffeur avait
trouvé la mort: une foule hystérique avait forcé
les portes de l'hôpital dans lequel elle l'avait précédemment
envoyé, et l'avait défenestré [72]. Enfin, les étudiants de l'Université
de Conakry, qui étaient en grève depuis près de
deux mois, participaient de cette tension collective et la fin du mois
de mars voyait de réels affrontements sur le campus, entre groupes
rivaux ou entre ces groupes et les forces armées présente
dans l'enceinte de l'Université.
Il faut
se garder naturellement d'affirmer que la rumeur a causé
ces troubles: du moins les a-t-elle autant anticipé et reflété
[73], que provoqué. La rumeur
est donc bien moins "hors-temps" [74] que l'on pouvait le penser. Dans les trois exemples
que nous venons de citer (au moins), la temporalité du surgissement
est très nette: la rumeur se sert des tensions sociales comme
d'un tremplin pour imposer elle-même son trouble. Si cette hypothèse
était déjà admise dans le sens inverse (les situations
de crise créent des rumeurs -- Le Bon déjà en parlait!
[75]), elle est plus difficile à
imposer dans une acception non causale et non déterministe...
La rumeur -- ou plutôt son surgissement -- semble donc enfin temporelle
[76].
L'étude
de la temporalité de la rumeur comme outil pour créer
du sens?
Après
avoir illustré la difficulté du concept de rumeur à
se figer dans le temps -- et donc notre propre embarras à la
définir explicitement --, nous nous sommes attachés à
montrer le lien complexe qui liait rumeur et temps. Toute rumeur en
effet peut être décomposée de triple façon:
une thématique "hors du temps" car constamment actualisée
-- atemporelle (calquée sur le modèle de l'information
journalistique, dont l'une des caractéristiques est justement
d'être a-contextuelle); un développement défiant
le temps, éphémère et cyclique à la fois
-- bref, intemporel; et un surgissement dans le temps lié à
des conditions sociales d'émergence -- temporel. Reconstruire
cette mosaïque de la temporalité (atemporalité, intemporalité
et temporalité du phénomène) nous amène
malgré nous à définir la rumeur, plus que nous
l'avions espéré. La notion de temps nous permettrait-elle
d'énoncer une définition, où la rumeur est un
phénomène éphémère, cyclique et conjoncturel
de diffusion dans le socius d'un message à prétention
d'actualité? Cela ferait de la rumeur non plus seulement
un phénomène linguistique, mais un phénomène
social dans lequel seraient mêlés à même degré
d'importance le message oral et les signes sociaux manifestes.
Cette
vision du phénomène permettrait d'aller plus loin encore
dans l'étude de la temporalité du phénomène.
La rumeur apparaît, on l'a vu, à l'occasion de tensions
qui ne l'ont pas forcément engendrées. Mais pourrait-on
lier alors la thématique aux conditions d'émergence à
long terme? Une rumeur en effet ne peut toucher une population entière
que parce qu'elle traite d'un problème commun à tous.
L'étude de ce "problème commun" est facilitée par
la conception d'une rumeur en tant que fait social: à condition
d'abandonner temporairement la dichotomie discursif / extra-discursif,
on peut utiliser l'étude de la réaction populaire, c'est-à-dire
des signes manifestes de la rumeur pour utiliser des termes bysoviens,
pour comprendre la thématique.
Dans
le cas de la rumeur de Guinée, des faits troublants sur le surgissement
de la crise peuvent nous guider. Si tous les auditeurs s'accordaient
sur son côté vraisemblable (un guide touristique très
populaire [77] a même pour habitude
de prévenir ses lecteurs-"baroudeurs" en des termes crus tels
que: «Souvent la femme africaine "boutique son cul"» ou
«la jeune fille (...), après la nuit, attendra un "petit
cadeau"»; cela reflète assez bien les relations entre
les deux communautés, basées sur un déséquilibre
économique qui perturbe le reste...), personne ne justifiait
pour autant les actes des "voyous" dans la ville, les exactions "des
bandes de casseurs". Et, fait étrange pour le sociologue, la
populace ne s'en prenait qu'aux jeunes femmes habillées de manière
non traditionnelle, et aux couples métissés: on assista
à des déchaînements de violence contre ces deux
groupes de victimes, les unes mises à nu, voire violées;
les autres pourchassés et leurs grosses voitures 4 x 4
bombardées de pierre.
On pourrait
poser l'hypothèse, en remarquant que la cible des émeutes
étaient des éléments de la société
dont la seule différence était le comportement vis-à-vis
des coutumes et des traditions, que c'était également
cela que la rumeur visait sans le dire. C'est en effet ce que l'on trouve
dans la rumeur: un gardien surprend des conduites déviantes;
il en saisit les autorités traditionnelles; le problème
est résolu. La dialectique de l'ordre et du désordre,
résumée en une histoire perverse... et voilà une
capitale africaine en émoi, qu'est-ce à dire? Anodine
en apparence, elle posait néanmoins sans vergogne les problèmes
cruciaux avec lesquels le corps social se débattait: émancipation
de la jeunesse, place des femmes dans la société, patriarcat,
matérialisme... tout en utilisant des images dignes de celles
d'Épinal. De là à lier la thématique de
la rumeur avec la vie du corps social, il n'y a qu'un pas: le pays a
connu en 1984 un revirement politique complet, passant de l'autarcie
socialiste à un libéralisme quasi anarchique. De là
naissent les soupirs nostalgiques de l'ordre ancien: «Dans
l'Ancien régime, tu tenais ta langue et tu soignais ton comportement,
sinon c'est le camp Alpha Yaya [camp militaire de sinistre mémoire].
Là, au moins, il n'y avait ni crime, ni vol, ni viol.»;
«Vous verrez la suite. Tout est permis maintenant. L'ouverture
démocratique... oui, vers la débauche et le laisser-aller».
La rumeur, dans son message et non plus seulement dans son surgissement,
se donnerait-elle à interpréter? Dans ce cas, quelle méthodologie
utiliser: Morin et al. avaient tenté une sorte de socio-psychanalyse
-- mais quelle base de référence utiliser en d'autres
lieux, d'autres temps?
Notes
[1] L'auteur est candidat au Doctorat conjoint en communication
(UQàM, Université de Montréal & Concordia University)
et rédige une thèse sur la notion de rumeur en tant que
"genre". Il revient d'un séjour de 16 mois en Guinée où
il a pu réaliser la collecte des données pour cet article.
Publié dans Recherches en communication (Université
catholique de Louvain), 1995
[2] GRYSPEERDT, Alex (s.dir.), 1995. La galaxie des
rumeurs. Bruxelles: éditions de la vie ouvrière, coll.
« Communication », 176 pages, p. 74
[3] Ibid., p. 79
[4] Ibid., p. 46-47. Soixante-quinze articles
"rumorants" ÷ 3 012 articles du corpus = 2,5 %
[5] Ferdinand Toennies, cité par ATTALLAH, Paul,
1989. Théories de la communication -- Histoire, contexte,
pouvoir, Québec, Presses de l'Université du Québec,
pages 8 à 17.
[6] SFEZ, Lucien, 1990. Critique de la communication,
Paris, Seuil, p. 101.
[7] SHEATSLEY, Paul B. & Jacob J. FELDMAN, 1964. « The
Assassination of President Kennedy: A Preleminary Report on Public Reactions
and Behavior », Public Opinion Quarterly, vol. 28,
nº 2 (été), pages 189 à 215 (page 193).
[8] "Mais avec l'éruption de la Seconde guerre
mondiale, l'attention [des chercheurs en sciences sociales] fut irrésistiblement
attirée par ce sujet; il apparut bientôt évident
qu'en temps de guerre, les rumeurs influençaient non seulement
le moral des populations et sa confiance, mais qu'elles étaient
en maints endroits des armes offensives de la propagande ennemie." KNAPP,
Robert H., 1944. « A Psychology of Rumor », Public
Opinion Quarterly, nº 8, pages 22 à 37.
[9] Jung assimilait alors la rumeur à un «rêve»
collectif (p. 43 & 52). Cf. JUNG, Carl Gustav, (1910)
1935. « Contribution à la psychologie de la "rumeur
publique" », pages 43-58, in Conflits de l'âme enfantine
-- La rumeur -- L'influence du père, Paris, Aubier, 77 pages.
[10] KNAPP, Robert H., 1944. « A Psychology
of Rumor », Public Opinion Quarterly, nº8, pages
22 à 37.-- ALLPORT, Gordon Willard & Leo Joseph Postman,
(1947) 1965. The Psychology of Rumor, New York, Russel &
Russel, 247 pages.
[11] Malgré certaines prédictions affirmant
que « (...) les études relatives aux rumeurs soient
progressivement moins nombreuses. » MARC, Pierre, 1987. De
la bouche... à l'oreille -- Psychologie sociale de la rumeur,
Cousset (CH), Delval, page 239.
[12] Les médias électroniques ne sont pas
en reste: à preuve, le nombre d'émissions spéciales
qui lui sont consacrées, dans la francophonie seulement (M6 [France],
9/1/94; SRC [Canada], 2/2/93; RSR1 [Suisse], 30/12/92; TF1 [France],
2/7/92, 16/7/92, 13/8/92; TSR [Suisse], 1988... pour les plus récentes).
[13] Les données étymologiques proviennent
de REUMAUX, Françoise, 1989. «Rumor et opinio», Cahiers
internationaux de sociologie, vol.36, nº86 (janvier-juin),
pages 129 à 132 et de PAILLARD, Bernard, 1990. « L'écho
de la rumeur », Communications, nº 52, page 125.
[14] ALLPORT, Gordon Willard & Leo Joseph Postman,
(1947) 1965. The Psychology of Rumor, New York, Russel &
Russel, pages 65 à 74.
[15] BARTLETT, Frederic C., 1932. Remembering, Cambridge,
Cambridge University Press.
[16] MRS pour Méthode de répétition
répétée, cf. KLINEBERG, Otto, 1967. «La
mémoire», pages 246-256, in Psychologie sociale,
Paris, Presses universitaires de France, 659 pages.
[17] KAPFERER, Jean-Noël, 1992. «Du LSD dans
les décalcomanies Mickey?», Actuel, nº15, pages
36 à 38. Une rumeur serait « l'état provisoire,
non vérifié, de l'information ». (p.36)
[18] MORIN, Edgar & B. Paillard, É. Burguière,
C. Capulier, C. Fischler, S. de Lusignan, J. Vérone, 1969. La
rumeur d'Orléans, Paris, Seuil, coll. « L'histoire
immédiate », 255 pages.
[19] ROBERGE, Martine, 1989. La rumeur, Québec,
Université Laval & Célat, 76 pages.
[20] BACHELARD, Gaston, 1970. La formation de l'esprit
scientifique, Paris, Presses universitaires de France.
[21] KANT, Emmanuel, [1781] 1980. Critique de la raison
pure, Paris, Gallimard, coll. « Pléiade »,
page 1406 (1e édition).
[22] Ibid.
[23] MORGAN, Hal & Kerry Tucker & Marc Voline,
1988. Vraies ou fausses? Les rumeurs, Paris, First, page 72.
[24] REUMAUX, Françoise, 1991. «L'actualité
de la rumeur», Société, nº31, pages 15
à 20.
[25] FINE, Gary Alan, 1979. «Cokelore and Coke Law:
Urban Belief Tales and the Problem of Multiple Origins», Journal
of American Folklore, vol.92, nº366 (octobre-décembre),
pages 477 à 482.
[26] L'acronyme ADUA désigne en français
l' ami d'un ami, sur le mode de constitution du terme anglais
FOAF, pour friend of a friend. Dans les deux cas, il s'agit de
celui à qui est supposément arrivée l'aventure.
Acronyme inventé et popularisé par RODNEY DALE, The
Tumour in the Whale. A Collection of Modern Myths, London, Duckworth,
1978, 169 pages. Il donne lieu même à la publication d'un
périodique, FOAFtale News... (Brodu propose aussi le
terme de « toto », pour « tovaritch
d'un tovaritch ». BRODU, Jean-Louis, 1992 : 13.
Certifié légendaire. Paris, Jean-Louis Brodu, 44
pages.)
[27] Van Gennep énonce pour cela une loi «de
la temporation et de la détemporation» pour expliquer la
mise hors du temps des légendes. VAN GENNEP, Arnold, (1910) 1929.
La formation des légendes, Paris, Flammarion, page 280.
[28] REUMAUX, Françoise, 1991. Op. cit.,
pages 19 à 20.
[29] GRYSPEERDT, Alex (s.dir.), 1995. Op. cit.,
p. 16.
[30] REUMAUX, Françoise, 1988. «Un rite oral
urbain: la rumeur», Cahiers de littérature orale,
nº24, pages 62 à 63.
[31] ROUQUETTE, Michel-Louis, 1975. Les rumeurs,
Paris, Presses universitaires de France, coll. «Sup», page
19.
[32] BONAPARTE, Marie, (1946) 1950. Mythes de guerre,
(Londres) Paris, (Imago) Presses universitaires de France, page
51
[33] TODD, Jack, 10 février 1992. «He was
had», The Gazette, page A3.
[34] L'homme se met à rire à gorge déployée;
plus tard, les jeunes femmes trouveront un mot de cette personne, signé
d'un nom célèbre. BRUNVAND, Jan Harold, 1986. The Mexican
Pet -- More "New" Urban Legends and Some Old Favorites, W.-W. Norton
& C°, New York & Londres, page 45.
[35] LUMLEY, 1925, cité par ROSNOW, Ralph L. &
Gary Alan Fine, 1976, page 84. Rumor and Gossip -- The Social Psychology
of Hearsay, New York, Elsevier, 157 pages.
[36] REUMAUX, Françoise, 1991. Op. cit.,
page 15.
[37] Le concept d'origine anglo-saxonne de «légende
contemporaine» vient parfois se substituer à cet endroit
de la caractérisation de la rumeur: comme elle, ce sont des récits
à prétention d'actualité, mais dont le mode d'apparition
n'est pas explicité.
[38] VIRGILE, L'Énéïde, IV,
v. 173-188, coll. «Les belles lettres», 1970, page 123.
[39] BEAUMARCHAIS, Le barbier de Séville,
acte II, scène VII.
[40] Bysow cité par REUMAUX, Françoise,
1990. «Traits invariants de la rumeur», Communications,
nº 52, page 142
[41] MORIN, Edgar & al., 1969. Op. cit.,
pages 36 à 37.
[42] REUMAUX, Françoise, 1994. Toute la ville
en parle -- Esquisse d'une théorie des rumeurs, Paris, L'harmattan,
pages 8 à 9.
[43] BYSOW, L.A. (trad.: N. von WIESE), 1928. « Gerüchte »,
Kölner Vierteljahrschefte für Soziologie, 1928, nº 7,
page 421.
[44] KAPFERER, Jean-Noël, 1987. Rumeurs -- Le
plus vieux média du monde, Paris, Seuil, page 143
[45] Pour rester sur le seul territoire français.
Car on la repère à Montréal en 1992... et en Corée
en 1987. Cf. FROISSART, Pascal, novembre 1992. Quelques concepts
qui servent de base à l'étude de la rumeur -- Réponse
à la première question de l'examen de synthèse,
Université du Québec à Montréal, 26
pages.
[46] DUMERCHAT, Frédéric, 1990. «Les
auto-stoppeurs fantômes», Communications, Paris, Seuil,
nº52, pages 249 à 282.
[47] THÉRIAULT, Paul-Émile & Normand
Boivin, 6 septembre 1992: A8. « Fantôme du parc des
Laurentides -- La réalité dépasse parfois la fiction »,
Le Progrès-Dimanche, page A8.
[48] BRUNVAND, Jan Harold, 1981. The Vanishing Hitchhiker
-- American Urban Legends and Their Meaning, New York & Londres,
W.-W. Norton & C°, 208 pages.
[49] On désignera par le terme d'"auditeurs" les
personnes qui ont été interrogées, bien que, en
plus d'être auditeurs, les personnes qui écoutent une rumeur
deviennent acteurs quand il la diffusent.
[50] Par exemple, MORGAN, Hal & al., 1988.
Op. cit.; CAMPION-VINCENT, Véronique & Jean-Bruno
Renard, 1992. Légendes urbaines -- Rumeurs d'aujourd'hui,
Paris, Payot, 349 pages; ou BRUNVAND, Jan Harold, 1986. Op.
cit.; cf. également la grosse base de données sur
Internet, stockée au MIT (alt.folklore.urban) sous la direction
de Brunvand lui-même.
[51] J'assurais pour le compte du Ministère français
de la coopération un enseignement en journalisme en Guinée-Conakry.
[52] Cf. pour plus de détails «La
rumeur du chien», in FROISSART, Pascal, 1995 (en cours). La
rumeur, un genre communicationnel à définir (titre
provisoire), thèse de doctorat en communications, Université
du Québec à Montréal.
[53] DIOMANDé, Alhassane, 20 avril 1992. « Violence
à Ratoma », Lynx, nº9, page 4.
[54] Les citations en italique et entre guillemets sont
issues d'une enquête ethno-sociologique, auprès d'un échantillon
aléatoire de 80 résidents de Conakry, effectuée
dans les langues nationales (soussou, mandingue, pular ou langues forestières)
ou en français par des enquêteurs guinéens sous
notre direction.
[55] Conduit par l'un de nos enquêteurs, nous avons
pu en voir les restes: le toit était effondré, il ne restait
plus que les murs -- sur l'un desquels nous pûmes apercevoir le
dessin enfantin d'un énorme chien.
[56] À prix d'or, indice s'il en faut de la très
forte implication des Conakrykas. Vendues de main en main le long des
trottoirs, le prix de ces photocopies de photocopies variaient entre
500 et 2 000 FG (à titre de comparaison, un repas normal
pris dans un "maquis", restaurant populaire, vaut 300 FG).
[57] Dépêche reprise dans Marchés
tropicaux et méditerranéens, 24 avril 1992, p. 1 047
[58] SOW, Ibrahima, 15-17 avril 1992. « Une
journée chaude: un mort, une blessée grave et des dégâts
matériels », Horoya, vol.31, nº 3646,
page 3.
[59] KOULIBALY, Mohamed, 15-17 avril 1992. « Pour
le retour de la quiétude », Horoya, vol. 31,
nº 3646, page 5.
[60] Un conte populaire peulh, par exemple, met en scène
les organes génitaux d'un âne et passe allègrement
sur les tabous de la bestialité, du fétichisme, du voyeurisme
et même de la sodomie (ÉQUILBECQ, Victor François,
1972 [rééd.]. Contes populaires d'Afrique occidentale,
Paris, A. Maisonneuve, pages 326 à 327).
[61] VILLENEUVE, Roland, 1973. Le musée de
la bestialité, Paris, Veyrier, pages 9 à 13.
[62] RACHEWILTZ (de), Boris, (1965) 1993. Éros
noir -- Moeurs sexuelles de l'Afrique de la préhistoire à
nos jours, Paris, (La Jeune Parque) Le terrain vague, pages 283.
[63] Conakry compte 1,5 millions d'habitants, soit à
peu près autant que Bruxelles, Montréal ou Bordeaux...
[64] Pour la notion de crise dans laquelle s'insère
la rumeur, cf. ROUQUETTE, Michel, 1980. La pensée sociale
et les phénomènes de rumeur, Université d'Aix-Marseille
I, thèse de doctorat d'État s.dir. Claude Flament, pages
162 à 166.
[65] MORIN, Edgar & al., 1969. Op. cit.,
page 95.
[66] Ibid., pages 29 et 30.
[67] RIVIÈRE, Claude, 1973. «Rumeur de métamorphose»,
Ethnopsychologie, vol. 33, nº 1 (janvier-mars),
page 64.
[68] DRAMOU, Jérôme, 1er janvier
1992. « Éphémérides -- Les temps forts
de 1991 », Horoya, vol.30, nº 3 625,
page 8.
[69] --, 19-21 mars 1992. « De nouveaux partis
politiques », Horoya, vol.31, nº 3 641,
page 3.
[70] --, 16-19 mars 1992. « Ramadan et flambée
des prix », Horoya, vol.31, nº 3 640,
page 8.
[71] Les chiffres sont calculés à partir
de l'article sus-mentionné.
[72] --, 3 avril 1992. « Déclaration
du Ministre de l'intérieur : "Nul ne doit se faire justice" »,
Horoya, vol.31, nº3644, page 12.
[73] Nous plaidons pour une vision dynamique du social,
dans laquelle la rumeur est à la fois précurseur et symptôme
d'une réalité discrète.
[74] GRYSPEERDT, Alex (s.dir.), 1995. Op. cit., p. 16
[75] Gare à la confusion, car elle est fréquente:
depuis Knapp jusqu'à Kapferer...
[76] Il faut peut-être limiter la porter de la
généralisation à ces rumeurs qui, dans le modèle
reumaldien, sont celles bâties sur le modèle hystérique
(sous cette bannière, nous rencontrons la rumeur d'Orléans
bien sûr, mais aussi celle de l'anesthésiste-fantôme
de Mattoon, l'épidémie des pare-brise de Seattle, les
tracts anti-colorants de l'Hôpital de Villejuif, les tracts anti-décalcomanies
au LSD, la maladie et la mort d'Isabelle Adjani): la contagion est "particulièrement
rapide", «le stade nymphal, où a couvé la rumeur,
est occulté par le stade d'éclosion». Cf.
REUMAUX, Françoise, 1994. Op. cit., pages 27 et 134.
[77] CLOAGUEN, Pierre et al., 1990. Le Guide
du routard -- Afrique noire, Paris, Hachette, pages 45 à
46.
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