Pascal Froissart

L'invention du "plus vieux média du monde"

 

Source: FROISSART, Pascal, 2000: 181-195.
"L'invention du "plus vieux média du monde"". In
MÉI (Paris, L'Harmattan). N°12-13 (décembre).

 

Le "plus vieux média du monde", c'est ainsi qu'on surnomme parfois la rumeur [2]. Ce faisant, on inscrit le concept dans une temporalité qui aujourd'hui prête à examen. Il n'est nullement acquis en effet que la rumeur fût un média, ni même qu'elle en fût le plus ancien. Pour introduire la nécessité d'aller contre l'évidence, et contre le nombre (car les spécialistes aussi bien que les profanes l'utilisent à l'envi), on peut procéder par l'exemple. Imaginons qu'un journaliste se trompe sur un fait -- mettons qu'un acteur soit mort et qu'il ne l'est point. Au XXe siècle, on crie haro sur la rumeur.

Mon mercredi noir, je l'ai vécu le 19 juillet dernier. Je suis chez moi, à Douchy. Seul avec mes chiens. Il est 9 heures du soir. Le téléphone sonne avec insistance et de façon répétitive. [...] Un autre coup de fil. Cette fois, la gardienne me dit : "Un monsieur de Saint-Tropez, un de vos amis, vient d'appeler. Il a appris votre mort dans un accident de voiture..." [...] Soudain, tout bascule. Putain de... ! Delon sur la route ! J'ai trois Delon sur la route : ma femme, mes enfants, Rosalie, Anouchka, Alain-Fabien... Ils viennent de Hollande pour les vacances à Douchy. [...] L'angoisse me submerge. Je sais qu'il faut garder son sang-froid, penser lentement, méthodiquement. Tout d'abord vérifier l'information. Le coeur oppressé, j'appelle le portable de Rosalie. Elle répond. J'entends sa voix. Tout se remet en place. [...] Rien de spécial ? Rosalie, elle aussi soulagée, a le même ton dégagé. [...] "Je ne comprends pas, dit-elle. Le bruit court que tu..." Le bruit court. La rumeur. [...] La voilà de nouveau, cette maudite rumeur. Je la connais bien. [...]

La rumeur déstabilise. Elle ne frappe pas que la cible désignée. Elle atteint son entourage. Ce faux bruit d'accident de la route, cela m'est arrivé il y a une quinzaine d'années. Ma mère -- elle n'est plus là aujourd'hui -- a failli en mourir. Heureusement, il a suffi d'un coup de téléphone pour lui prouver que j'étais bien vivant. [3]

Dans cet extrait d'interview d'un acteur connu, il est manifeste que le concept de rumeur est utilisé, instrumentalisé, objectivé. Au XXe siècle, le concept désigne quelque chose d'apparemment très précis, très agissant : « Des hommes en sont morts », dit encore le comédien dans le courant de l'entretien, comme si les mots tuaient d'un coup de voyelle à la tempe, d'une salve de consonnes dans le ventre. L'idée de rumeur sert de cause efficiente, de mobile logique, de déterminisme raisonnable.

Au XIX e siècle en revanche, le concept de rumeur est ignoré, même si -- comme dans l'exemple qui suit -- on traite d'une affaire que nous, nous appellerions assurément rumeur.

On se ferait difficilement l'idée de l'émoi général qu'a jeté dans le monde, pendant les premiers mois de 1857, la maladresse ou la légèreté du journaliste coupable de l'article dans lequel on annonçait, d'après "un astronome allemand", l'apparition d'une comète qui, le 13 juin, devait choquer la terre et amener la fin du monde. Cette étrange nouvelle, répétée par tous les échos, grands et petits, de la publicité, se répandit dans l'Europe entière, comme si le télégraphe électrique lui eût servi de rapide et d'universel messager. Elle devint l'objet de toutes les conversations ; on en parlait dans les salons du grand monde comme sur la place publique ; dans le cabinet de l'homme d'état comme dans l'atelier de l'ouvrier ; on en parlait en prose et en vers, en chansons et en complaintes... Qu'y avait-il, nous ne dirons pas seulement de vrai ni même de vraisemblable, mais de sensé, dans l'annonce qui, pendant six mois, a rempli toutes les têtes et agité toutes les langues, relativement à la comète prédite pour le 13 juin ? Rien, absolument rien. [4]

Dans cet entrefilet de l'époque où est décrit très clairement le fonctionnement de ce qui serait nommé aujourd'hui rumeur (un journaliste rapporte une prédiction apocalyptique, aussitôt « répétée par tous les échos, grands et petits », « comme si le télégraphe électrique lui eût servi de rapide et d'universel messager »), le mot même de "rumeur" est carrément absent. On lui préfère celui de « nouvelle » ou de « publicité », d'« échos » ou d'« annonce ».

Il faut donc se rendre à l'évidence : comme tout concept, celui de rumeur est inscrit dans une historicité que l'expression "plus vieux média du monde" cache maladroitement [5]. En oubliant que l'idée de rumeur a été construite au cours du temps, on essentialise le phénomène, et ce faisant, on lui attribue une nature qui, au mieux est trompeuse, au pire laisse échapper l'essentiel. Explorer l'historicité du concept de rumeur est donc une entreprise salutaire pour comprendre, non comment "fonctionne la rumeur", mais bien plutôt comment a été construit un phénomène social : sur quelles bases, dans quels buts, avec quelle pérennité ?

 

 

La "rumeur" de Gordon Willard Allport

L'histoire de la "rumorologie" [6] en France débute en 1957 avec un cours en Sorbonne dispensé par Guy Durandin, dont est tiré un "poly" que publie le Centre de documentation universitaire [7]. On y trouve un exposé complet des théories américaines qui ont alors le vent en poupe, celles d'Allport & Postman en particulier [8]. Les travaux postérieurs en reprennent largement les conclusions, les acclimatant à la culture européenne [9] ou les approfondissant [10] ; certains chercheurs en font abstraction mais ils sont rares [11]. En aucun cas n'assiste-t-on néanmoins à une redéfinition conceptuelle : l'idée de rumeur est prise comme telle, "taken for granted", comme si elle était sortie de la cuisse d'un Jupiter outre-Atlantique.

Si les travaux d'Allport & Postman sont le passage obligé de la recherche francophone, ils le sont également dans le monde entier. Ils sont pionniers en effet dans l'exploitation qu'ils font du concept de rumeur et dans l'apparente simplicité de leur théorie. Ils prétendent en effet que la rumeur n'est autre qu'une proto-légende en voie de solidification [12], ou bien, plus prosaïquement, que la rumeur naît dans des contextes d'incertitude, d'ambiguïté et d'intérêt général (d'où la fameuse formule « R = i x a » [13]... qui n'a d'autre mérite que son formalisme, étant donné que les échelles de mesure des variables R "quantité de rumeurs", i "importance" et "ambiguïté" ne sont jamais explicitées) [14]. Enfin, last but not least, ils prétendent posséder une arme pour lutter contre la rumeur : c'est une structure administrative à mettre en place en cas de crise sociale, le RCC (Rumor Control Center). La théorie des auteurs américains connaît aussitôt un franc succès, qui s'explique autant par la "simplicité" pratique de l'appareil théorique (la rumeur est nommée, caractérisée, domesticable) que par l'immense diffusion du texte (recueils de textes scolaires américains, largement diffusés en langue anglaise [15], et même française [16], sans compter les rééditions et traductions du livre paru en 1947 [17]).

Le succès mondial des auteurs américains éclipse largement l'apport des quelques géants sur les épaules desquels ils sont juchés. Avant eux en effet, d'autres auteurs, qu'ils citent sans barguigner mais qui sont rondement balayés par l'histoire, ont donné corps et cohérence à l'objet rumeur. Pour les repérer, on peut se servir d'un raccourci inusuel : l'histoire de vie de l'un des auteurs de l'étude de 1947, Gordon Willard Allport. Ce dernier partage avec le concept de rumeur un destin commun sur plusieurs décennies. Non seulement il est le "pape" incontesté de la "rumorologie" d'après-guerre, mais en plus il est le fil rouge entre les précurseurs et les "rumorologues".

Né en 1894, Allport fait ses études à Harvard sous la direction de William McDougall, avant d'obtenir une bourse qu'on n'appelait pas encore "post-doctorale" mais qui y ressemblait. Il choisit de séjourner en Europe. C'est ainsi qu'en 1923, à l'âge de 29 ans, il passe près d'un an à Hambourg dans le laboratoire d'un professeur réputé, élève de Ebbinghaus et proche de Binet, un certain L. William Stern [18]. Son influence se révèle « considérable » [19], ainsi qu'il l'évalue vers la fin de sa vie ; il en parle cependant en termes théoriques (à propos du béhaviorisme, ou de la psychologie "humanistique") sans élaborer davantage sur l'importance de ses travaux pour le choix de son objet de recherche, vingt ans plus tard : la rumeur.

 

La "rumeur" de Louis William Stern

Il se trouve pourtant que Stern est l'initiateur de tous les travaux sur la rumeur. Il est le premier en effet, dans l'histoire des sciences sociales, à proposer un dispositif expérimental, unique et reproductible, en vue d'étudier la rumeur dans une chaîne de sujets. Il présuppose donc des qualités de stabilité et d'unicité à la rumeur qu'aucun avant lui n'avait osé formuler [20] : la rumeur s'échappe alors de son acception sonore dominante (« la rumeur de la ville » [21]) et devient un phénomène caractérisable, mesurable, et, bien entendu, contrôlable. Ainsi peut-on dater la construction du concept avec précision [22] : la rumeur est née en 1902.

La singularité du travail de Stern mérite qu'on s'y arrête, encore que la matérialité de l'invention ne paie pas de mine : c'est au détour d'un mémoire sur la « psychologie judiciaire », dans un appendice, que Stern s'empare de la rumeur (Gerücht). Et encore n'en parle-t-il que pour faire une incidente (« Incidemment il me faut encore parler ici d'une petite expérience, appropriée pour établir expérimentalement l'assertion "fama crescit eundo" » [23]). Pourtant, c'est bien dans ce texte ignoré [24] que l'on trouve la première "définition" moderne de la rumeur grâce à la mise en place d'un protocole expérimental pour étudier la rumeur (cf. Fig. 1). C'est l'exposé de ce dispositif qui marque l'antériorité des travaux de Stern sur tous les autres ; c'est également le point de départ du nouvel objet de recherche, la rumeur, en ce sens que le dispositif réifie un concept auparavant labile et instable (pour caricaturer : avant Stern, la rumeur est un bruit qui court, rumeur et fama sont indissociables ; après Stern, la rumeur est un bruit qui tue ; une "significativité" a été ajoutée).

Figure -- Protocole de Stern (1902) [25]

Rumor, by Pascal Froissart (Sociology of Rumor, Psychology of Rumor, Epistemology of Rumor). La rumeur, par FROISSART, PASCAL (sociologie de la rumeur, psychologie de la rumeur, epistemologie de la rumeur)

Dans le protocole de Stern, la rumeur part d'un témoignage initial (texte 0) rapporté par un sujet A, et évolue en une succession de dépositions D écrites par autant de sujets ayant pris connaissance de la déposition précédente D-1. Cependant, le "maître du jeu" intervient constamment : c'est lui qui relit la déposition D-1 au témoin suivant. Sans le Sujet B (l'expérimentateur), l'expérience s'arrête dès la première réplication. C'est lui qui a organisé le protocole, c'est encore lui qui entretient la "rumeur" en lisant aux sujets suivants les dépositions des sujets précédents.

Si Stern est bien le fondateur de la "rumorologie" (en ce sens qu'il propose de faire de la rumeur un fait en soi, à étudier distinctement de tout autre processus social), il n'en donne pas encore la méthodologie définitive. Il faut attendre les travaux de Bartlett [26] et Kirkpatrick [27], pour voir apparaître le concept instrumentalisé par Allport et tous ses successeurs : la méthodologie change, en effaçant le rôle du "maître de jeu" : les participants à la chaîne de rumeur sont chargés de prendre et de redonner l'histoire qu'on leur soumet ; l'expérimentateur voit son rôle confiné au contrôle a posteriori des textes initial et final. C'est grâce à l'autonomisation conceptuelle de la chaîne de sujet que la rumeur prend son envol final, comme si elle s'affranchissait de tout déterminisme social (ni classes, ni réseaux ; ni processus de légitimation, ni mouvements critiques) et de toute historicité.

Dans l'opuscule de 1902, la conceptualisation de la rumeur est minimale. Stern indique seulement que, dans le cadre de ses recherches sur le témoignage (est-on bon ou mauvais témoin selon que l'on est jeune ou vieux, homme ou femme, ouvrier ou aristocrate...), il lui est intéressant de voir l'influence de la réplication sur le témoignage. L'étude de la rumeur n'entre donc que de manière incidente dans son raisonnement, comme une variable de plus, et non comme une fin en soi.

Pourtant, l'époque est à la recherche d'explication de ce type pour construire des modèles sociaux. Le Bon cherche ainsi des « opinions mobiles » [28] indépendantes des acteurs, Tarde réduit les mécanismes sociaux à la seule « imitation » [29]... bref, face à la tentative durkheimienne, un déploiement de théories concurrentes occupe le champ sociologique. C'est dans ce cadre que se déploient les travaux sur la rumeur qui, magiquement, apportent une brique essentielle à la construction de la psychologie sociale naissante.

 

La "rumeur" de Rosa Oppenheim

L'émancipation du concept de rumeur n'est pas longue à venir. Elle échappe de sa gangue de psychologie du témoignage en 1911, sous la plume de Rosa Oppenheim, une proche collaboratrice de Stern dans la revue qu'il dirige, la Zeitschrift für die gesamte Strafrechtswissenschaft.

L'objet d'Oppenheim est d'établir un pont entre le concept savant et la notion de « sens commun » [30], cherchant du même coup à « rendre la communion toujours plus grande entre théorie et pratique » [31]. Mais, étrangement, les moyens utilisés sont tout autre ; du décalage naît un discours structurant sur la nature de la rumeur. Dans un premier temps, elle fait l'exégèse du protocole expérimental de Stern, vérifiant et reproduisant le dispositif. Dans un second temps et sans organisation logique discernable (« La vie quotidienne nous offre d'innombrables occasions d'observer la variabilité et le manque de fiabilité des rumeurs » [32]), elle emploie deux pages à décrire un exemple (« Beispiel ») qui concerne... une mésaventure journalistique, sans indiquer nulle part la relation qu'elle entend établir en faisant un tel parallèle.

L'exemple, qu'elle décrit avec un luxe rare de détails, concerne les péripéties d'un chercheur en psychologie américain que les journaux du monde entier prennent pour l'inventeur génial d'un détecteur de mensonge particulièrement performant, une « machine à parjure ». À la source de l'histoire, un journaliste, dans l'impossibilité d'obtenir des informations sur l'invention, avait écrit un papier apparemment affabulatoire (bien que cautionné par un universitaire), mais qui avait été repris partout.

Cet article aussi anodin qu'hypothétique a pourtant été la cause de bien des méfaits. Il fut repris dans une publication de Boston, sans préciser toutefois que tout cela n'était qu'un tissu de suppositions d'un rédacteur inconnu ; le fait était devenu certain que j'avais [utilisé un détecteur de mensonge]. Sur cette base fut câblé à Londres que j'avais "couronné de succès le travail de toute une vie, avec l'invention d'appareils de mesure qui pouvaient mesurer le pouls et la respiration". De Londres, cela revint en Amérique et fila d'un bout à l'autre du pays, tandis que, d'une même manière, de Londres et bientôt de New York, la nouvelle parvint en France et en Allemagne.

Pendant des semaines, les journaux de l'ancien et du nouveau monde participent à la diffusion de la nouvelle. Plus de 300 articles décrivent en détail les nouveaux appareils. Des feuilles de choux allemandes parlent de « détecteur de mensonge » ou de « machine à parjure ». Le Professeur incriminé fait aussitôt son possible pour arrêter la diffusion de la nouvelle. Il écrit « à toutes les nouvelles publications, qu'il n'y avait pas un mot de vrai, mais les démentis voyagent lentement et sont peu remarqués. » [33]

Et peu à peu, l'exposé de l'histoire s'estompe au profit d'une mise en cause plus générale du fonctionnement médiatique -- sans utiliser néanmoins la notion de rumeur. Le lecteur infère donc naturellement, et fait le lien avec les expériences de Stern dont elle vient de reprendre les résultats.

Le commentaire de Rosa Oppenheim sur cet épisode anodin de la vie médiatique peut paraître insignifiant. Mais, in cauda venenum, le poison est délicatement instillé : voilà le bon Professeur, en butte à la bêtise, qui écrit des démentis et ceux-ci ne sont pas remarqués. Oppenheim le pose en victime des médias, sous-entendant une toute-puissance des médias contre laquelle on ne pourrait rien.

Malheureusement, on n'a absolument aucune idée du nombre de personnes chez qui la croyance que Münsterberg a inventé un "détecteur de mensonge" est encore vivante. Par la durabilité des souvenirs que laissent dans la mémoire des rumeurs énoncées avec lyrisme, ils ne devraient pas être rares. [34]

Le propos d'Oppenheim est bon enfant de prime abord ; il recèle pourtant le changement sémantique majeur depuis que la rumeur a été "inventée" par Stern. La rumeur est associée pour la première fois avec la puissance de la presse, et plus encore avec le « nombre de personnes » qui la lisent... qui, tel dans un mauvais rêve, ne sont « pas rares ». Certes, si Oppenheim n'est pas la première à mettre en avant le rôle du nombre dans la notion de public, elle est cependant la première à associer rumeur et public, rumeur et foule, rumeur et masse enfin. En voulant réconcilier « théorie et pratique » pour donner un sens « de la vie de tous les jours » à un concept visiblement trop théorique, Oppenheim a en effet déformé légèrement l'expérience psycho-judiciaire et en a fait un modèle de l'influence médiatique.

Dans l'exemple choisi par la chercheuse, il ne s'agit plus d'une "rumeur" au sens de Stern, puisqu'il n'y a là nul témoignage initial, aucun protocole expérimental et que les deux sources d'erreurs principales ne sont ni des « erreurs perceptives » ni des « erreurs mémorielles » [35]. Mieux encore : le texte initial dans lequel Oppenheim a puisé toutes ses informations anecdotiques s'intitule « Histoire d'une découverte » [36] : ce n'est alors qu'une "histoire". On passe d'"histoire" à "rumeur", en changeant simplement de plume, et donc de point de vue. Mais, pour la première fois dans l'histoire de la notion, il y a ce glissement de sens qu'on retrouvera sans cesse par la suite. Aucune des caractéristiques qui font (ou faisaient) la rumeur ne sont présentes dans l'exemple d'Oppenheim. Pas de bouche-à-oreille : ce sont des journalistes qui se lisent les uns les autres ; aucun témoignage initial : juste une confusion de personnes ; aucune chaîne de sujets : rien qu'une diffusion de masse dans des journaux à grand tirage.

Mais il y a l'essentiel : la bonne foi prise en défaut (« Professor Münsterberg tat sein Möglichstes »), la respectabilité bafouée (« Professor der Psychologie an der Harvard University »), la déformation d'un sens initial "pur", la diffusion de masse, le vrai dévoyé (« im Dienste der Wissenschaft »), l'obtuse inventivité des néophytes (« Selbstlügenschreiber »), la fatalité devant les effets des médias (« Dementis wandern langsam und unbeachtet »), le mépris de l'entendement commun (« In wievielen Menschen »), etc. Tout comme pour le sens commun, le concept de rumeur convient pour modéliser et caricaturer (c'est la même chose, naturellement) le fonctionnement du socius. Le rumorisme est là, tout frais, prêt à être utilisé. Il est pratique, c'est un "prêt-à-penser" muni de tout ce qu'il faut, là où il faut. Il déprécie les "masses" et glorifie les "élites", fustige l'"imprécision" et admire l'"ordre", dénigre le "choeur" et magnifie le "héros", le tout sans qu'on puisse voir apparaître aucun de ces mots grossiers que j'ai indiqués ici entre guillemets.

Après Stern qui avait établi un "lien incident" (!) entre le témoignage et la rumeur, voici donc Oppenheim qui reprend le procédé et tisse pareil lien entre jeu de presse et rumeur. Il n'y a guère de logique entre les deux sphères, sinon de contiguïté ou de coïncidence, mais la relation se fait néanmoins. Peut-être est-ce cela qui fait précisément la force persuasive d'un concept ? Aussitôt le concept est publicisé et repris par toutes les plumes. Stern et Oppenheim ont fait de la rumeur un sous-produit du journalisme. La rumeur est devenu un média.

 

Conclusion

Le concept moderne de rumeur est un construit dont on peut faire remonter la naissance aux premières années du XXe siècle. La désigner par l'expression "le plus vieux média du monde" est donc périlleux : en parlant de rumeur avant le XXe siècle, on risque le même anachronisme qui consiste à parler de romantisme avant le XIXe siècle, ou de progrès avant le XVIIIe siècle [37]... De même, imaginer que la rumeur pût être un média (idée présente dans les expressions populaires, de type « Radio-Trottoir » ou « téléphone arabe »), représente une évolution conceptuelle notable, que seule une histoire du concept de rumeur a permis de retracer : à partir de 1902, le mot "rumeur" change d'acception sous l'impulsion des travaux de Stern, qui imitait « les conditions de la rumeur en ceci que chacune des personnes participantes devait donner à la personne suivante ce qu'elle avait entendu de la personne précédente » [38]. On y voit apparaître des idées de réplication automatique, de tendance à la déformation, de message initial, d'apparente perfection du message initial, de but dévoyé... De même, dès 1911 avec les travaux d'Oppenheim, la rumeur est liée aux médias et à l'idée de masse, et par là, sort du strict cadre de la psychologie judiciaire, utopie du début du XXe siècle.

Débarrassée de son image de psychologie judiciaire, l'histoire du concept de rumeur se poursuit aisément jusqu'à aujourd'hui : il demeure confidentiel dans les années d'entre-deux-guerres, puis éclate au grand jour sous l'impulsion du gouvernement américain, décidant de faire porter l'effort de guerre sur l'étude du moral des civils (c'était en effet le motif officiel des subventions pour étudier la rumeur en 1942-1944 [39]). Allport devient le chef de file de la nouvelle rumorologie [40], dont se réclament ensuite les psychologues sociaux et autres spécialistes du marketing.

Aujourd'hui plus que jamais, on fait encore référence à la matrice originelle du concept qu'est la psychologie du témoignage... mais on oublie ou on ignore totalement les changements sémantiques qu'a connu le concept lorsqu'il est passé de l'autre côté de la barrière des médias. Au total, il n'y a probablement plus rien de commun entre le concept de L. W. Stern et celui de A. Delon... non que l'un fût un spécialiste et l'autre un profane, mais que le concept profane employé aujourd'hui a été longuement "travaillé au corps" par les spécialistes pour en faire un concept de sens commun.

Sans doute les inventeurs du concept de rumeur, Stern et Oppenheim, n'avaient-ils pas idée que l'on ferait de leur découverte un élément majeur de la construction sociale de l'espace public, entre "journalisme d'investigation" (la rumeur servant aux journalistes tantôt de repoussoir tantôt d'outil) et "respect de la vie privée" (la rumeur qui "brise" les vies, la rumeur qui révèle), entre "mythe" (la rumeur comme rituel) et "infamie" (la rumeur comme outil de propagande, de manipulation, de désinformation)...

Ils ne pensaient sans doute pas même inventer quoi que ce soit, car en sciences sociales, on croit toujours n'être qu'observateur, douce illusion. Depuis Stern et Oppenheim pourtant, on ne pense plus de la même manière ni la rumeur, ni ce que la rumeur sous-tend, c'est-à-dire la société elle-même. Pour que le concept de rumeur changeât ainsi de sens, il fallait qu'une idée de la société, déstructurée, impulsive, traversée par des courants souterrains sur laquelle elle ne peut rien, soit en place ou en cours de constitution. C'est la raison pour laquelle la rumeur naît au moment où la masse devient le centre de toutes les attentions, et c'est la raison pour laquelle la rumeur est un concept encore agissant aujourd'hui, au moment où le discours sur la masse est particulièrement virulent.

 


Notes

[1] LARGUIER DES BANCELS, J ules, 1906 : 157-232. « La psychologie judiciaire. Le témoignage ». Année psychologique. Vol.  XII.

[2] Cf.  KAPFERER, Jean-Noël, 1987. Rumeurs. Le plus vieux média du monde. Paris, Seuil, 317 pages.

[3] DELON, Alain (entretien avec F. Musso), 2000 : 50-51. « Delon. Le jour où je suis mort ». Paris Match. Nº 2676 (7 septembre).

[4] FIGUIER, Louis, 1857 : 1-2. L'année scientifique et industrielle. Paris : Hachette. Cité par ROUQUETTE, Michel-Louis, 1975 : 110-111. Les rumeurs. Paris : Presses universitaires de France, coll. « Sup », 126 pages.

[5] Ironie de la recherche sur la rumeur : l'exemple cité est tiré de l'un des ouvrages les plus cités en langue française, au chapitre « Florilège de la rumeur ». Ibid.

[6] Le terme n'est pas mien. Il est employé par Brodu. Cf. BRODU, Jean-Louis, 1992 : 3. Certifié légendaire. Paris : Jean-Louis Brodu, 44 pages.

[7] DURANDIN, Guy, 1957. Les rumeurs. Les camps de déportés. Le problème des handicapés. Paris : Centre de documentation universitaire, coll. « Les cours de Sorbonne », pages 1-46. D'autres ouvrages francophones pourraient disputer l'antériorité de celui-ci. En particulier, celui de Marie Bonaparte (BONAPARTE, Marie, (1946) 1950. Mythes de guerre. (Londres) Paris : (Imago) Presses universitaires de France, 180 pages.) Mais la psychanalyste semble ignorer le concept et n'emploie pas le mot rumeur.

[8] Le premier document public d'Allport & Postman est publié en 1945. Cf.  ALLPORT, Gordon W. & Leo J. Postman, 1945. « The basic psychology of rumor ». Transactions of the New York Academy of Sciences. Série  II, vol. 8, pages 61 à 81.

[9] Rouquette, Gritti, Kapferer, par exemple. --  ROUQUETTE, Michel-Louis, 1975. Op. cit. --  GRITTI, Jules, 1978 : 14. Elle court, elle court, la rumeur. Ottawa : Stanké, 223 pages. --  KAPFERER, Jean-Noël, 1987. Op. cit.

[10] Pichevin, Rossignol, par exemple. --  PICHEVIN, Marie-France, Aliette Ringler & Maurice Ringler, 1971. « Une approche du biais d'équilibre par la technique de rumeur ». Cahiers de psychologie. Vol. 14, nº 3, pages 219 à 231. --  ROSSIGNOL, Christian, 1973. « Phénomène de rumeur, processus d'association et étude des représentations sociales ». Psychologie française. Vol. 18, nº 1, pages 23 à 40.

[11] Rivière, Morin, Campion-Vincent, par exemple. --  RIVIÈRE, Claude, 1973. « Rumeur de métamorphose ». Ethnopsychologie. Vol. 33, nº 1 (janvier-mars), pages 55 à 80. --  MORIN, Edgar, B. Paillard, É. Burguière, C. Capulier, C. Fischler, S. de Lusignan & J. Vérone, 1969. La rumeur d'Orléans. Paris : Seuil, coll. « L'histoire immédiate », 255 pages. --  CAMPION-VINCENT, Véronique, 1976. « Les histoires exemplaires ». Contrepoint. Nº 22-23, pages 217 à 232.

[12] « A legend may be regarded as a solidified rumor. More exactly, it is an unusually persistent bit of hearsay which, after a prior history of distorsion and transformation, ceases to change as it is transmitted from generation to generation. » ALLPORT, Gordon W.& Leo J. Postman, (1947) 1965 : 162. The Psychology of Rumor. New York : Russel & Russel, 247 pages.

[13] « In words this formula means that the amount or rumor in circulation will vary with the importance of the subject to the individuals concerned times the ambiguity of the evidence pertaining to the topic at issue. » Ibid.

[14] On trouve ailleurs, dès 1939, une première formulation de cet axiome : « Rumors and anxiety prevail under conditions of uncertainty and inadequate information. » C. P. LOOMIS & D. DAVIDSON Jr., 1939 : 60. « Sociometrics and the study of new rural communities ». Sociometry. Vol. 2.

[15] En 1952, 1954, 1958, par exemple : in G. E.  SWANSON, T. M. NEWCOMB & E. L. HARLEY (dir.), 1952. Readings in social psychology. New York, Holt ; in D. KATZ, D. CARTWRIGHT, S. ELDERSVELD & A. MCG. LEE (dir.), 1954. Public Opinion and Propaganda. Dryden Press ; in W. SCHRAMM (dir.), 1954. The process and effects of mass communication. Urbana (Ill.), University of Illinois Press ; in E. E. MACCOBY, T. M. NEWCOMB & E. L. HARLEY (dir.), 1958. Readings in social psychology. New York, Holt.

[16] ALLPORT, Gordon W.& Leo J. Postman, 1945. « Les bases psychologiques de la rumeur  ». I n LéVY, André (dir.), 1978. Psychologie sociale. Textes fondamentaux anglais et américains. Paris : Dunod, 316 pages.

[17] Réédité en 1965 chez Russell & Russell. Traduit en japonais (par T. Minami), à Tokyo, chez Iwanami Gendai Sõsho, 1953. Traduit en espagnol (par J. Clementi), à Buenos Aires, chez Editorial Psique, 1953.

[18] Après ce premier contact, leurs vies continuent de se croiser quand, les temps sombres étant venus, Allport accueille aux États-unis Stern forcé à l'exil. C'est lui encore qui rédige sa notice nécrologique lorsque, en 1938, le maître décède. Cf. ALLPORT, Gordon W., 1938. « William Stern : 1871-1938 ». American Journal of Psychology. Vol. 51.

[19] « As one of his students, I find my own thinking considerably influenced by him ». ALLPORT, Gordon W., 1968 : 271. « The Personalistic Psychology of William Stern ». The Person in Psychology. Selected Essays. Boston, Beacon Press.

[20] On trouve chez Bernheim une préformulation de cette définition, quand l'historien, soucieux de ne se fermer aucune porte à priori dans la recherche du fait, parle de la rumeur comme d'une source historique possible : Mündliche Tradition. -- Die mündliche Wiedergabe selbst erlebter oder von anderen erlebter Vorgänge in Poesie und Prosa, in "Erzählung" und "Lied", ist die älteste Art der Tradition. Wir bezeichnen sie als "Gerücht", wenn es sich um Vorgänge der Gegenwart handelt, die der Mitteilende nicht selber angeschaut hat und deren Bericht durch den Mund vieler Unbekannter hindurchgegangen ist. » E. BERNHEIM, Einleitung in die Geschichtswissenschaft. (Durchgesehener Neudruck), Berlin & Leipzig, Göschen'sche Verlagshandlung, 1889 (Sammlung Göschen), p. 85. Cette conviction avant-gardiste n'est pas reprise par les historiens contemporains : ainsi, bien que les travaux de Stern soient cités abondamment par Seignobos et Langlois, la tradition orale y est encore décrite comme un feu follet... « La tradition orale est par sa nature une altération continue ; aussi dans les sciences constituées n'accepte-t-on jamais que la transmission écrite. » (LANGLOIS, Charles-Victor & Charles SEIGNOBOS, [1898] 1992 : 151. Introduction aux études historiques. Paris, Kimé, coll. « Le sens de l'histoire ») Les tenants des Annales s'en emparent 20 ans plus tard, et en font une composante essentielle de la recherche historique.

[21] Par exemple : « Il n'en venait ni la lueur ni la rumeur qui montent des villes européennes ; Delhi endormie emplissait la chambre d'un immense repos. » MALRAUX, André, 1967 : 363. Antimémoires. Paris, Gallimard.

[22] Le trait discontinuiste est ici forcé : en l'absence d'autres indices, l'exposé d'un premier dispositif expérimental fait date. Mais cette invention n'existe pas sans le positivisme dominant de l'époque, ni sans les constructions théoriques correlatives (la Gestaltpsychologie, la linguistique structurale, voire les sciences sociales elles-mêmes). La base conceptuelle de la rumeur s'élargit ainsi, pour se fondre dans les paradigmes et les idéologies qui traversent les époques et les groupes sociaux.

[23] « Anhang I. Ein experimentelles Gerücht. Anhangsweise sei hier noch über einen kleinen Versuch berichtet, der geeignet ist, den Satz "fama crescit eundo" experimentell zu erhärten.  ». STERN, L. William, 1902 : 362. «  Zur Psychologie der Aussage. Experimentelle Untersuchungen über Erinnerungstreue ». Zeitschrift für die gesamte Strafrechtswissenschaft. Vol. XXII, cahier 2/3.

[24] On en trouve de rares mentions. Cf., par exemple --  HART, Bernard, 1916 : 1-26. « The Psychology of Rumour ». Proceedings of the Royal Society of Medicine (Psychiatry). Nº 9. --  ALLPORT, Gordon W. & Leo J. Postman, (1947) 1965 : 50-51. Op. cit. --  SHIBUTANI, Tamotsu, 1966 : 5. Improvised News. A Sociological Study of Rumor. Indianapolis : Bobbs-Merric C°, 262 pages. -- H.-J.  NEUBAUER, The Rumour. A Cultural History, Londres, Free Association Books, 1999, p. 157.

[25] Schématisation du protocole expérimental de Stern (sujet  A : journaliste ; sujet  B : expérimentateur ; sujets  C et  D : témoins. Flèches pleines : récit écrit ; lien cursif : récit oral). Source : STERN, L. William, 1902 : 362. « Zur Psychologie der Aussage. Experimentelle Untersuchungen über Erinnerungstreue ». Zeitschrift für die gesamte Strafrechtswissenschaft. Vol. XXII, cahier 2/3.

[26] BARTLETT, Frédérick, 1920. « Some Experiments on the Reproduction of Folk-Stories ». Folk-Lore. Vol. XXXI.

[27] KIRKPATRICK, Clifford, 1932. « A Tentative Study in Experimental Social Psychology ». American Journal of Sociology. Vol. 38, nº 2 (septembre).

[28]« De nos jours, la somme des opinions mobiles des foules est plus grande que jamais; [...] la diffusion récente de la presse faisant passer sans cesse sous les yeux les opinions les plus contraires. » LE BON, Gustave, (1895) 1975 : 145. La psychologie des foules. Paris : (PUF) Retz- CEPL, 191 pages.

[29] « La société, c'est l'imitation, et l'imitation, c'est une espèce de somnambulisme ». TARDE, Gabriel de, (1890) 1980 : 97. Les lois de l'imitation. Paris : (Félix Alcan) Slatkine.

[30] « Sinne des täglichen Lebens gegeben. » OPPENHEIM, Rosa, 1911 : 347. « Zur Psychologie der Aussage ». Zeitschrift für angewandte Psychologie und psychologische Sammelforschung. Nº 4, pages 344 à 355.

[31] « Um Theorie und Praxis in noch größere Übereinstimmung zu bringen, beschloß ich, zwei kleine Episoden kurz nacheinander darzubieten, denn dadurch war die Möglichkeit zu allerlei Verwechslungen, Verschiebungen, Übertragungen im Sinne des täglichen Lebens gegeben. » OPPENHEIM, R osa, 1911 : 347. Op. cit.

[32] « Das tägliche Leben bietet uns unzählige Belege für die Variabilität und Unzuverlässigkeit der Gerüchte. » OPPENHEIM, R osa, 1911 : 353. Op. cit.

[33] « Dieser ganz harmlose hypothetische Artikel hat alles weitere Unheil angerichtet. Zunächst wurde er in einem Bostoner Blatte abgedruckt, ohne die Zufügung, daß alles das nur Vermutungen des anonymen Verfassers seien ; hier war es schon Tatsache, daß ich Orchards Puls und Atmung studiert. Und auf dieser Grundlage wurde nun nach London gekabelt, daß ich "mein Lebenswerk durch die Erfindung von Apparaten gekrönt, mit denen Puls und Atmung gemessen werden können." Von London kam es nach Amerika zurück und flog nun erst durchs ganze Land, und ebenso ging es von London und später auch von New York nach Frankreich und Deutschland.
Wochenlang beschäftigten sich nun viele Zeitungen der alten und neuen Welt mit der Weiterverbreitung dieses Gerüchtes. Mehr als 300 Artikel stellten die Einzelheiten des nun erfundenen Apparates dar. Deutsche Blätter berichten [sic] von einer "Wahrheitszwangmaschine" oder "Meineidsmaschine". Aber ihre Darstellung zeigt, daß es sich eigentlich um drei verschiedene Apparate handelt, erstens um den Sphygmographen, der dem Zeugen "auf den Rücken" geschnallt wird, um den Puls zu registrieren ; dann um den Pneumographen, der die Atmung verzeichnet und schließlich um den Hauptapparat, der verschieden gennant wird. Englische Zeitungen sprechen vom Automatographen, französische vom Ontomatographen, deutsche vom Automatographen, dem "Selbstlügenschreiber". "Dieser letzte Apparat verrät die unwillkürlichen Bewegungen des Zeugen. Alle drei Maschinen zusammen zeigen nun deutlich, ob der Zeuge die Wahrheit spricht oder lügt."

Professor MÜNSTERBERG tat sein Möglichstes, um der Weiterverbreitung dieser Berichte Einhalt zu tun. Er schrieb "an immer neue Blätter, daß an alledem kein wahres Wort sei, aber Dementis wandern langsam und unbeachtet." » OPPENHEIM, R osa, 1911 : 354-355. Op. cit.

[34] « In wievielen Menschen heut noch die Überzeugung lebt, daß MÜNSTERBERG eine "Wahrheitszwangmaschine" erfunden hat, läßt sich ja leider absolut nicht feststellen. Bei der Dauerhaftigkeit der Spuren, die solch schwungvoll vorgetragene Gerüchte im Gedächtnis hinterlassen, dürften es wohl nicht ganz wenige sein. » OPPENHEIM, R osa, 1911 : 355. Op. cit.

[35] « Auffassungsfehler » et « Erinnerungsfehler » sont les majeures « Fehlerquellen ». STERN, L. William, 1902 : 340-355. Op. cit.

[36] MÜNSTERBERG, Hugo, 1907. « Die Geschichte einer Erfindung ». In  W. Vol. 1, section 891.

[37] Cf.  NISBET, Robert, 1980. History of the Idea of Progress. Londres, Basic Books.

[38] « Ich ahmte die Bedingungen des Gerüchts dadurch nach, daß jede der beteiligten Personen dasjenige, was sie von der vorhergehenden gehört hatte, an die nächste Person weiter geben mußte. » STERN, L. William, 1902 : 362. Op. cit.

[39] U. S., OFFICE OF WAR INFORMATION, BUREAU OF INTELLIGENCE, SPECIAL SERVICES DIVISION, 1942. Intelligence Report : Rumors in Wartime. Rapport nº 34 (5 octobre).

[40] Un peu à son corps défendant. Allport ne publiera rien de plus sur le sujet et, dans son autobiographie, il demeure aussi peu disert qu'enthousiaste sur le sujet. C'est pour lui un sujet de commande, tout au plus...

 

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