Si, comme le dit l’auteur, "la science est moins un savoir qu’une méthode", la lecture du livre de Pascal Froissart est un plaisir critique rare. Il aborde son sujet, la rumeur, sous l’angle de la méthode et, ce faisant, il passe en revue toutes les sciences humaines, dont les thuriféraires en prennent chacun pour leur grade.

Les rumorologues "rumorographes", "rumoranciens" et "rumorocrates" sont épinglés à quelque discipline qu’ils appartiennent. Car, sur cet objet d’étude fuyant, rétif aux définitions et aux mises en formes méthodologiques, on ne peut se fier à personne: ni aux sociologues, ni aux psychosociologues, ni aux psychanalystes (surtout pas aux psychanalystes de café du commerce), ni aux ethnologues, ni aux anthropologues ni, bien sûr, aux… rumologues eux-mêmes, surtout quand ils veulent modéliser et mettre en équations mathématiques des phénomènes de communication, dont la multitude des variables est, par eux, abusivement réduite par un intolérable simplisme.

La démarche critique de Pascal Froissart est d’autant plus rafraîchissante qu’il s’y emploie dans un style vif, où l’humour, voire la dérision, n’est pas pour déplaire. Plaisir rare dans la lecture d’un livre savant (la bibliographie et les notes sont une somme sur le sujet) rendu ainsi accessible à tout lecteur curieux.

Hélène Duccini